Turquie : les manifestants continuent de défier le pouvoir
Troisième nuit de protestations en Turquie, où les opposants au gouvernement entendent bien montrer leur détermination. Des centaines de manifestants turcs ont occupé dimanche 2 juin la place Taksim d'Istanbul, désertée par la police après deux jours de violents affrontements. Plus tôt dans la journée, les forces de l'ordre sont intervenues alors que les protestataires se dirigeaient vers les bureaux du Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, a indiqué la chaîne d'information NTV.
Selon le ministère de l'Intérieur turc, la police a interpellé plus de 1 700 personnes dans ces manifestations contre le gouvernement. La plupart ont été remises en liberté. Un total de 235 manifestations ont été recensées contre le gouvernement islamo-conservateur dans tout le pays depuis le 28 mai, selon le ministère cité par l'agence de presse Anatolie.
La mobilisation se poursuit aussi à Ankara
Dans un quartier résidentiel d'Ankara, la capitale, plusieurs milliers de personnes ont continué à protester dans la soirée de dimanche, après avoir été brutalement délogées plus tôt par la police d'une place de la capitale. Les protestataires ont érigé des barricades sur une avenue très fréquentée afin d'empêcher les véhicules blindés de la police d'y accéder, ont expliqué des manifestants à l'AFP. La police a tiré à nouveau des capsules de gaz lacrymogène sur les protestataires mais la foule campait sur les lieux.
Dans la nuit de samedi à dimanche déjà, les échauffourées ont fait au moins une soixantaine de blessés parmi les forces de l'ordre et plusieurs manifestants ont été interpellés, selon les autorités. Le syndicat des médecins d'Ankara a pour sa part indiqué que 414 civils avaient été blessés, dont six souffrant de traumatismes crâniens graves.
"Gouvernement, démission"
Confronté à l'un des plus importants mouvements de contestation populaire depuis l'arrivée de son parti islamo-conservateur au pouvoir, en 2002, Erdogan a été contraint de lâcher du lest samedi en ordonnant à la police de se retirer de la place Taksim et du petit parc Gezi, à Istanbul, dont la destruction annoncée avait lancé la révolte en début de semaine. Dans cette ville, des barricades improvisées sont dressées dans toutes les rues menant à la place Taksim, et recouvertes de slogans comme "hukumet istifa" ("gouvernement, démission").
une autre version plus discrete !
INSATISFACTION GÉNÉRALE
Recep Tayyip Erdogan veut en outre réformer la Constitution pour donner plus de pouvoirs au président turc, ce qui témoigne pour ses détracteurs de sa volonté de devenir chef d'Etat à partir de 2015 et de conserver ainsi une certaine emprise sur le pouvoir.
"Quand les citoyens ne sont même pas consultés pour un parc, alors le pays n'est plus démocratique", juge Betul Tanbay, professeur à l'université du Bosphore. "Cela dépasse maintenant les questions de tunnels et de parcs. Il y a une grande insatisfaction au sein de catégories de personnes très différentes."
Le projet immobilier fâche notamment la gauche nationaliste, notamment représentée par la principale formation d'opposition, le Parti républicain du peuple (CHP), car il prévoit de raser un auditorium dédié à Mustapha Kemal Atatürk, fondateur dans les années 1920 d'une République turque à la laïcité intransigeante, et de construire une mosquée.
Les opposants laïcs de Recep Tayyip Erdogan, qui a été emprisonné en 1998 pour avoir lu en public un poème se référant à l'islam, l'accusent depuis son arrivée à la tête du gouvernement de vouloir mettre en place un pouvoir religieux.
Les inquiétudes ont été accentuées le mois dernier par l'adoption d'une loi limitant drastiquement la vente d'alcool, que le Premier ministre a défendue en se référant explicitement à l'islam.
Les précédentes initiatives de ce type de Recep Tayyip Erdogan, qui a par exemple tenté de limiter l'accès à l'avortement et a autorisé le port du voile islamique en public, ont cependant trouvé une résonance certaine au sein des 76 millions de Turcs, dont 99% sont musulmans.
Le Premier ministre est toujours dans les sondages l'homme politique le plus populaire de Turquie, et aucun dauphin évident ne se dégage au sein de l'AKP, tandis que les élections de 2015 s'annoncent difficiles pour le CHP.
"La laïcité turque était trop rigide pour générer de l'harmonie dans une société civile où la population est assez pratiquante", souligne Mustapha Akyol, spécialiste des rapports entre islam et démocratie. "Les partisans de la laïcité ont désormais peur qu'Erdogan profite de sa position dominante pour renverser les choses."
Apparemment démocratie et Islam ne font pas bon ménage !!!!!
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