jeudi 20 juin 2013

Les « indignés » de Taksim ne renoncent pas - La posture de « l’homme à l’arrêt »

http://www.lavenir.net/
Chassés de la place Taksim, les contestataires n’ont pas dit leur dernier mot, alors que la répression, unanimement condamnée, se poursuit.
Une photographe belge témoigne.
Istanbul a retrouvé un semblant de calme. Trois jours après la violente intervention de la police pour déloger les occupants du parc Gezi, qui jouxte la place Taksim, Recep Tayyip Erdogan, sûr de sa force, a salué l’action des forces de l’ordre contre «les terroristes, les anarchistes et les émeutiers ».
La place Taksim et le parc Gezi ont été «nettoyés ». Mais à quel prix? Les violences des dernières semaines ont fait quatre morts, dont un policier, et 7 800 blessés, selon le dernier bilan de l’Association des médecins turcs. Des centaines de personnes ont été arrêtées, dont 600 dans la seule journée de dimanche, selon les barreaux d’Ankara et Istanbul. Une véritable «chasse aux sorcières », visant en particulier les militants de gauche, se poursuit partout dans le pays. Elle n’épargne ni les étudiants ni les intellectuels ni les journalistes.
Présente à Istanbul au plus fort des manifestations, Virginie Nguyen, photographe belge, membre du Collectif Huma, (un collectif de photographes qui privilégie les sujets sociaux et met en avant une photographie humaniste) témoigne du contraste entre l’ambiance bon enfant qui régnait parmi les contestataires et la violence de la répression. «Il est évident que l’intervention de la police était disproportionnée face aux manifestants pacifiques. Ils ont reçu un avertissement leur octroyant 20 minutes avant l’assaut, ce qui ne donne pas le temps d’évacuer. Les forces de l’ordre ont utilisé un nombre exagéré de gaz lacrymogène alors que l’endroit est étroit et mal aéré ce qui amplifie l’effet des gaz. Ils ont également utilisé des balles en caoutchouc. »
Les « indignés » de Taksim ne renoncent pas.
Un produit irritant dans les canons à eau
Plus grave, la police est accusée d’avoir mélangé un produit toxique à l’eau des autopompes. «L’eau était d’une couleur jaune orange et semblait être mélangée à du sable ou une autre substance qui irritait et brûlait la peau. Un photographe a dû être évacué à l’hôpital après s’être fait asperger car la peau de ses bras et de son torse était irritée. » Le gouverneur d’Istanbul aurait reconnu l’utilisation d’un additif, qualifié de «médicament ».
Partie à Istanbul pour son agence Hanslucas, Virginie raconte l’esprit de fête qui animait la place et le parc, surnommé «le camp des hippies ». «Il régnait dans le parc Gezi une ambiance «peace and love ». On rencontrait des gens en train de faire du yoga, de la méditation, d’autres qui chantaient, qui créaient leur petit jardin botanique, etc. C’était comme une énorme famille qui logeait dans des tentes et s’entraidait. Je compare cette protestation au mouvement des indignés en Grèce, par exemple, plutôt qu’au Printemps arabe. Les manifestants de la place Taksim ne veulent pas établir la démocratie, mais bien la conserver. Ils sont déterminés à garder leurs droits et libertés, menacés par Erdogan. »
La posture de « l’homme à l’arrêt »
Aujourd’hui, les contestataires chassés et réprimés n’ont pas pour autant renoncé. Pour contourner l’interdiction de manifester sur la place Taksim, toujours étroitement surveillée par la police, les manifestants ont inauguré une nouvelle forme de défi au gouvernement: la posture de «l’homme à l’arrêt ». À l’origine, le chorégraphe Erdem Gündüz. Lundi, il est resté debout, seul, silencieux, pendant huit heures sur la place symbolique du centre d’Istanbul pour marquer sa condamnation des violences policières et de la politique gouvernementale. La mode des «hommes à l’arrêt » a rapidement fait des émules dans tout le pays. Des centaines de personnes ont adopté cette nouvelle forme de protestation pacifique à Istanbul, Ankara, Adana ou Izmir.
Tous les jours, aussi, depuis l’expulsion du parc Gezi, les gens se mettent à applaudir dans les rues d’Istanbul, lorsque le soir tombe, et scandent des slogans pour rappeler au pouvoir islamo-conservateur que le mouvement n’est pas terminé.

Et l'entrée de la Turquie dans l'UE continue son petit bonhomme de chemin.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire