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Alors que l'ultimatum de l'armée a expiré et que les militaires poursuivent leurs tractations, des responsables islamistes se voient interdits de quitter l'Égypte.
L'ultimatum de l'armée égyptienne menaçant d'imposer sa propre "feuille de route" au président islamiste Mohamed Morsi est arrivé à expiration mercredi, le chef de l'État ne donnant aucun signe de vouloir partir, mais appelant à un gouvernement "de consensus". L'ultimatum de 48 heures donné lundi à M. Morsi pour qu'il se plie "aux revendications du peuple" - allusion aux manifestations de masse réclamant son départ - est venu à terme à 14 h 30 GMT. Mercredi soir, on apprenait que Mohamed Morsi et des responsables islamistes étaient interdits de quitter l'Égypte.
L'armée, engagée dans des discussions avec des responsables de l'opposition et des dignitaires religieux pour tenter de sortir le pays de sa plus grave crise depuis la chute du régime Moubarak en février 2011, a promis plus tôt dans la journée de publier un communiqué, sans toutefois donner d'heure précise.
Accusé par ses détracteurs de vouloir instaurer un régime autoritaire au profit des Frères musulmans dont il est issu, M. Morsi a au même instant appelé sur sa page Facebook officielle à "former un gouvernement de coalition et de consensus afin d'organiser des législatives à venir". Mardi soir, il avait rejeté l'ultimatum de l'armée et affirmé qu'il ne se plierait à aucun "diktat". Il a aussi catégoriquement refusé de quitter le pouvoir, mettant en avant la "légitimité" que lui confère son élection démocratique, il y a un an.
Les Frères musulmans sous surveillance ?
Pour essayer de trouver une issue à ce bras de fer, le chef de l'armée égyptienne, Abdel Fattah al-Sissi, a rencontré au Caire le représentant de l'opposition Mohamed El Baradei, le patriarche copte Tawadros II et l'imam de la grande institution théologique sunnite d'Al-Azhar, Ahmed al-Tayeb, ainsi que des militants des mouvements de jeunes anti-Morsi. Les représentants du parti salafiste al-Nour et du Parti de la liberté et de la justice, vitrine politique des Frères musulmans, ont été également invités mais ne se sont pas venus à la réunion.
"Aujourd'hui : éviction ou démission", affirmait en une le quotidien à grand tirage al-Ahram, détenu par l'État. Al-Watan (indépendant), à l'unisson de nombreux autres journaux, titrait laconiquement "La fin". Selon le journal gouvernemental al-Ahram, la "feuille de route" prévoit la nomination d'un conseil présidentiel de trois personnes dirigé par le président de la Haute Cour constitutionnelle et une suspension de la Constitution pouvant durer jusqu'à un an. Toute personne s'opposant à ces mesures pourrait être placée en résidence surveillée puis traduite en justice. Les dirigeants des Frères musulmans seraient placés sous surveillance, avec de possibles mesures d'assignation à résidence, contrôle des avoirs, interdiction de quitter le pays, etc.
Sécurité renforcée
Entre-temps, quelques milliers de personnes étaient rassemblées devant le ministère, agitant des drapeaux et scandant "Égypte, Égypte" ou, à l'adresse de M. Morsi, "dégage, dégage". "Je n'attends qu'une chose, c'est que Morsi parte", affirmait Abdel Khalek Abdo, un agriculteur de 56 ans venu de Tanta, dans le delta du Nil.
Les grands boulevards de la ville habituellement embouteillés étaient quasiment vides, nombre d'habitants étant restés chez eux par crainte de violences. "Je suis inquiet, le sort de mon pays peut se jouer en quelques minutes", avouait un chauffeur de taxi. Des foules de partisans et d'opposants au président se sont massées dans l'après-midi à travers l'Égypte. Alors que des violences, notamment lors de heurts entre pro et anti-Morsi, ont déjà fait 47 morts depuis une semaine, le ministère de l'Intérieur a affirmé qu'il répondrait "fermement" à toute violence. L'armée a renforcé la sécurité autour des établissements officiels et a demandé au personnel administratif de la télévision d'État de quitter les lieux, ont indiqué des journalistes.
Affrontements meurtriers
Sur l'emblématique place Tahrir, des milliers de manifestants anti-Morsi étaient rassemblés dans l'après-midi. "Il a répété au moins 1 000 fois le mot légitimité comme si nous n'existions pas. Sa légitimité, il la tient du peuple qui aujourd'hui manifeste partout contre lui", a dit Rouaya, 19 ans, une jeune manifestante voilée rejetant le discours de M. Morsi. Ailleurs au Caire, des milliers de pro-Morsi étaient toujours massés sur la place Rabaa al-Adaouiya, dans le faubourg de Nasr City, tenant eux aussi des drapeaux égyptiens et scandant des slogans soulignant la "légitimité" du président élu il y a un an. Des rassemblements anti-Morsi commençaient également à se former dans d'autres villes, dont Alexandrie (nord) et Port-Saïd, sur le canal de Suez.
Mardi, 16 personnes ont péri dans une attaque contre un rassemblement d'islamistes pro-Morsi près de l'université du Caire, selon le ministère de la Santé. Sept autres personnes ont été tuées lors d'affrontements ailleurs dans la capitale. Près d'une centaine d'agressions sexuelles ont par ailleurs été commises sur la place Tahrir et ses environs en quelques jours, en marge des manifestations anti-Morsi, a rapporté Human Rights Watch (HRW).
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